Une Ă©motion peut en cacher une autre : Ă©motions primaires et secondaires chez l’enfant đŸ€”

par | Avr 16, 2020 | Parentalité | 0 commentaires

Avez-vous dĂ©jĂ  entendu parler des Ă©motions primaires et secondaires de l’enfant ?
Ou quand les émotions authentiques se dissimulent derriÚre des émotions parasites !

Mais d’oĂč viennent les Ă©motions ? A quoi servent-elles ?

Le nourrisson a-t-il les mĂȘmes Ă©motions qu’un adulte ? S’agit-il d’émotions naturelles ou fabriquĂ©es ? Autant de questions qui intĂ©ressent de nombreux parents.

Il peut parfois s’avĂ©rer compliquĂ© de comprendre le sentiment rĂ©el derriĂšre une rĂ©action Ă©motionnelle enfantine jugĂ©e excessive. Quel parent ne s’est pas dĂ©jĂ  senti dĂ©muni face Ă  la colĂšre explosive ou la tristesse inconsolable de son enfant ?

Si les Ă©motions des tout-petits nous semblent parfois irrationnelles, c’est aussi parce qu’une Ă©motion peut en cacher une autre !

Muriel Mairet, Psychopraticienne en Analyse Transactionnelle Ă  Paris, nous aide ici Ă  comprendre la façon dont se crĂ©ent les Ă©motions chez l’enfant. Ou comment rĂ©ussir Ă  faire la diffĂ©rence entre Ă©motions primaires et secondaires, pour mieux accompagner le dĂ©veloppement psychoaffectif de nos petits.

 

1 – Qu’est-ce qu’une Ă©motion ?

Avant de vous parler de l’importance des diffĂ©rences, et de la confusion faite parfois entre Ă©motions primaires et Ă©motions secondaires, un petit rappel s’impose sur la dĂ©finition des Ă©motions.

Une Ă©motion est une rĂ©action affective intense s’exprimant par des manifestations diverses, des sensations physiques, qui seront ressenties diffĂ©remment par les gens. Une Ă©motion commence par une sensation, c’est une Ă©nergie qui va chercher Ă  s’exprimer Ă  l’extĂ©rieur. 

Il existe quatre émotions principales : la joie, la colÚre, la peur, la tristesse, à travers lesquelles circule une énergie propre à chacune.

Une multitude d’émotions diverses existe. Elles sont combinĂ©es aux principales avec des pensĂ©es plus complexes, acquises au fil de nos expĂ©riences et de nos repĂšres familiaux, socioculturels, historiques, gĂ©nĂ©rationnels. 

En fonction de nos modes de vie, de notre environnement, les Ă©motions peuvent avoir le droit d’ĂȘtre exprimĂ©es ou rĂ©primĂ©es.


Psychologie de l’enfance : Ă  quoi servent les Ă©motions ?

Chaque Ă©motion a une valeur positive dans le dĂ©veloppement de l’enfant, elle lui apprend Ă  s’affirmer en : 

  • posant son ressenti qui lui appartient, 
  • respectant un cadre, un contrat,
  • obtenant un changement : pour refaire circuler l’énergie, obtenir une rĂ©paration pour se rĂ©parer, ou rĂ©parer afin de ne pas garder une Ă©nergie nĂ©gative sur laquelle il pourrait poser des bases de rĂ©fĂ©rence,
  • recevant, ou en renonçant pour clore l’expĂ©rience et entrer dans une autre.

Mettre du sens est indispensable Ă  l’ĂȘtre humain afin qu’il puisse avancer d’expĂ©riences en expĂ©riences, avec le potentiel de ce qu’il aura appris. 

Aussi, il n’y a pas d’émotion nĂ©gative, ce sont les Ă©vĂ©nements qui y sont rattachĂ©s qui peuvent ĂȘtre nĂ©gatifs.

 

Développement affectif de 0 à 6 ans : comment se forment les émotions

 

👉  In utero 

In utero l’enfant entend sa mĂšre, l’entourage de celle-ci, et ressent ses Ă©motions. Les Ă©motions existent sous une forme archaĂŻque, intuitive, et passent par la propagation de signaux nerveux Ă©lectriques donnant des sensations. (1)

Son cerveau n’a pas acquis la maturitĂ© nĂ©cessaire pour se dissocier de ce qui relĂšve de son expĂ©rience ou de celle de sa maman. 

👉 Le nourrisson

Chez le nourrisson, le siĂšge de la pensĂ©e rĂ©flĂ©chie n’est pas dĂ©veloppĂ© Ă  sa naissance. 

En effet, son cerveau est mobilisé par :

  • la croissance et la crĂ©ation de nouveaux neurones, 
  • le dĂ©veloppement de toute la zone impliquĂ©e dans le contrĂŽle des mouvements, de la coordination et de l’équilibre, 
  • la reconnaissance visuelle, l’écoute, sollicitant aussi la zone du langage.

👉 Petite enfance

Cette période est suivie de la mise en place des connexions, des premiers raisonnements fonctionnant sur un mode binaire (avoir ou ne pas avoir, voir ou ne pas voir).

C’est en parcourant diverses Ă©tapes : acquisition motrice, marche, langage, que l’enfant dĂ©veloppe ses premiers outils pour acquĂ©rir plus d’autonomie. 

Il fait l’expĂ©rience de devenir lui-mĂȘme, choisir, avancer, sous la validation de ses parents.  

👉 En grandissant 

Puis se forment :

  • le stockage temporaire d’informations pour corriger des erreurs de raisonnement, 
  • la conscience de son identitĂ©, de l’autre, 
  • la conscience de ses actes, qui ont des impacts sur les autres.

     

Ces apprentissages passent d’abord par le jeu, puis le langage. Ces dĂ©couvertes sont sĂ©quentielles et en couches. Parfois, un acquis est oubliĂ© pendant que l’enfant s’occupe d’un autre qui marche bien.

L’enfant grandit, son cerveau se dĂ©veloppe et acquiert chaque jour de nouvelles informations. Il trie, range, crĂ©e. Son travail est quotidien. Un vaste plan de connexions va ensuite l’occuper pour l’essentiel jusqu’aux alentours de 12 ans.

En parallùle, tout son entourage lui permet de mettre du sens entre ce qu’il ressent et ce qu’il vit. Ce temps d’explications mobilise les ressources de chaque individu qui accompagne l’enfant. 

Les Ă©motions ne peuvent ĂȘtre acquises dĂšs les premiĂšres explications car l’enfant est mobilisĂ© par d’autres acquisitions en cours. La motivation, la patience, la persĂ©vĂ©rance exigent beaucoup de temps chez le parent, ce sont des qualitĂ©s de champion !

L’enfant aussi est un super champion : ses Ă©motions l’envahissent un nombre de fois incalculable, et pourtant il fait face, avec toute son Ă©nergie. Souvenons-nous de l’énergie qu’il a mise pour relever la tĂȘte, pour se mettre assis, se lever, marcher
1000 fois il a recommencĂ©, 1000 fois il a pleurĂ© et il y est arrivĂ©. 

C’est un parcours universel.

 

2 – Emotions primaires et secondaires : quand les Ă©motions jouent Ă  cache-cache

La gestion des Ă©motions n’est pas un long fleuve tranquille

Dans la vie des parents et enfants champions, il y a aussi des moments de dĂ©couragement, de doute. Le parent, comme l’enfant, Ă©value ses capacitĂ©s et se confronte Ă  l’idĂ©e qu’il n’est pas tout puissant. 

L’évolution n’est pas une courbe exponentielle parfaite, elle passe par des descentes, des plateaux, et remonte pour poursuivre son ascension. Une baguette magique serait la bienvenue, surtout quand on est parent solo, lĂ  oĂč la solitude peut renforcer la pensĂ©e de ne pas y arriver. 

L’isolement gĂ©ographique, familial, amplifie le dĂ©sarroi et la culpabilitĂ© de ne pas trouver les moyens pour rééquilibrer les vĂ©cus Ă©motionnels de l’enfant. 

Parfois, la diade parent-enfant se met Ă  souffrir et pour la mĂȘme raison : l’un et l’autre ne comprennent pas ce qu’il se passe et se sentent seuls. La communication est en dĂ©sordre ou ne passe plus. 

L’importance de la communication : la confusion des sentiments 

Ils peuvent ainsi rester chacun de leur cĂŽtĂ©, Ă  se dĂ©brouiller et inventer un raisonnement, une rĂ©flexion qui leur sert de repĂšre et de mode d’emploi. Compte-tenu de l’immaturitĂ© psychique de l’enfant, ce repĂšre risque de ne pas ĂȘtre adaptĂ© dans une autre situation. 

👉 L’enfant relie ainsi des pensĂ©es, des comportements qui sont en dĂ©saccord avec ce qu’il ressent. Ces pensĂ©es et comportements peuvent alors s’exprimer Ă  travers une Ă©motion qui n’est pas authentique.

Deux émotions sont potentiellement activables : « émotion authentique », « émotion parasite »

Les émotions primaires et secondaires représentent des émotions authentiques, cachées sous des émotions dites « parasites. Les deux ont de la valeur, un sens et un objectif. 

👉 L’’émotion parasite cache l’authentique, c’est un moyen mis en place pour ĂȘtre entendu, satisfait. Elle est autorisĂ©e comme «ce que je peux exprimer et qui marche bien».

👉 C’est un systĂšme qui permet de protĂ©ger l’autre Ă©motion, celle qui est plus profonde, et qui prĂ©sente un risque pour l’enfant. Si il l’exprime, l’enfant sent qu’il ne sait pas la supporter, ou risque de dĂ©plaire au parent. C’est sa perception du risque, basĂ©e sur les repĂšres de son Ăąge. 

L’enfant dĂšs tout petit construit sa boĂźte Ă  truc en fonction des rĂ©actions, des messages et de l’attention que son entourage lui porte. Ce sont ses modes d’emploi pour apprendre Ă  comment faire dans la vie.

 

3 – Etude de cas : les Ă©motions primaires et secondaires de Louis, 5 ans

La situation

Un aprĂšs-midi, Louis, 5 ans exprime une tristesse terrible, des pleurs Ă©tranglĂ©s
Le parent ressent de l’agacement, et la colĂšre l’envahit Ă  son tour. Le parent lĂąche une tempĂȘte de mots. 

«Ce n’est pas grave» me dit-il, «demain il n’y pensera plus» ou «J’en ai entendu des plus dures, je n’en suis pas mort.” 

Seulement, un enfant ne comprend pas comme un adulte ce qui est dit. Certains mots, verbes, adjectifs, sont encore parfois trĂšs flous. Toutefois, il a la grande intuition du sens de ce qu’on lui dit, de la dynamique positive ou nĂ©gative des mots. 

Le ton de notre voix, notre respiration, notre visage parlent avant notre parole. Notre enfant est expert de ce langage, il a appris à le lire depuis ses premiers jours. Il sait ce qui lui est dit. Si le parent connaüt son enfant, lui aussi sait intuitivement qui il est, s’il est authentique, s’il peut avoir confiance en lui. 

Louis pleure depuis un certain temps. Un autre besoin cherche Ă  s’exprimer, quelque chose de plus profond, une Ă©motion primaire. Il y a un risque pour lui Ă  le dire, peut-ĂȘtre la peur de dĂ©cevoir le parent qui a transmis ce repĂšre.

Ou parce que cette émotion authentique est interdite dans son cercle familial.
Les Ă©motions primaires et secondaires vont alors s’entre-mĂȘler.

Analyse et explications

Il existe de nombreuses familles oĂč la colĂšre et la tristesse sont interdites :

đŸ‘‰Â Â«Il n’y a que les filles qui pleurent» (ce que l’enfant peut intĂ©grer dans sa boĂźte Ă  trucs : « Je suis un garçon donc je ne pleure pas »)

đŸ‘‰Â Â«Ce n’est pas gentil d’ĂȘtre en colĂšre» (« Je suis gentil si je ne suis pas en colĂšre »)

Cette Ă©motion parasite de tristesse lui sert Ă  rester en lien avec le parent, car conserver le lien lui est primordial. Cette Ă©motion secondaire est sortie de sa boĂźte Ă  trucs et cache ce qu’il n’ose pas exprimer. Il espĂšre parfois que le parent devine. 

C’est un pari risquĂ©. Pourtant le parent lui a appris que c’était possible
 

Depuis le premier jour il se lĂšve Ă  chaque pleur, le rĂ©conforte, lui donne Ă  manger, le berce pour soulager ses pleurs. Le parent rĂ©pond Ă  toutes les demandes non verbales et l’enfant s’est construit le systĂšme «Je m’exprime, le parent vient, il me soulage, il devine mes besoins». 

En grandissant il garde cette pensĂ©e «Mon parent devine», comme un repĂšre de sĂ©curitĂ©, qu’il souhaite conserver, car il offre l’avantage de ne pas prendre de risque.

Verbaliser, comprendre, réparer

Louis pleure donc, et explique qu’il veut la toupie qu’un grand lui a promis et qu’un autre garçon l’a reçue en cadeau. Il n’y a plus de toupie pour lui. Il veut ĂȘtre comme l’autre garçon. Pour ĂȘtre pareil, le moyen est d’avoir la toupie. 

Il a besoin de justice et se dĂ©bat avec cette frustration injuste. De sa boĂźte Ă  trucs il sort la tristesse parasite, celle qui lui permet d’obtenir souvent ce qu’il veut.

Louis est en fait trùs en colùre mais il ne peut pas l’exprimer devant le grand qu’il ne connaüt pas trùs bien. 

Le grand nomme la colĂšre de Louis et la reconnaĂźt, il se sent soulagĂ©. Le grand lui promet d’acheter la mĂȘme toupie. La situation rĂ©parĂ©e permet Ă  chacun de conserver une relation de confiance.

 

4 – Gestion des Ă©motions : comment aider son enfant 🙏

Pour aider l’enfant Ă  comprendre le sens de ses Ă©motions, l’écoute, l’observation, le questionnement, permettent de poser clairement les Ă©lĂ©ments d’une situation, de dissocier les besoins et les moyens. 

Voici quelques clĂ©s pour l’aider Ă  faire le tri entre Ă©motions primaires et secondaires, au profit des Ă©motions authentiques

👉 Les questions formĂ©es avec des temps, des verbes, des conjugaisons simples, permettent d’avoir accĂšs aux informations avec fluiditĂ©. J’observe de nombreux parents expliquant les besoins de leurs enfants avec des phrases Ă  tiroirs, je comprends qu’ils n’écoutent pas, car je ne comprends rien non plus. 

La solution est dans l’écoute de chacun, en s’adaptant continuellement.

👉 Tous les parents ont les ressources pour mieux communiquer avec leur enfant, pourvu qu’ils se donnent les permissions de s’en servir. Dire Ă  son enfant que nous avons comme lui des Ă©motions qui nous appartiennent, que nous avons tous le droit de les vivre. 

👉 Lui dire qu’il nous arrive d’ĂȘtre triste, partager un souvenir oĂč nous l’étions. Exprimer Ă  son enfant que nous ne savons pas toujours tout, que nous ne sommes pas parfaits, c’est lui exprimer que nous sommes aussi traversĂ©s par les mĂȘmes Ă©motions tandis que notre histoire est diffĂ©rente. 

L’enfant comprend qu’il n’est pas seul, que les grands traversent aussi ces expĂ©riences tout au long de la vie. L’enfant reconnaĂźt le parent authentique. Être bienveillant envers son enfant implique aussi la bienveillance que le parent se donne Ă  lui-mĂȘme. 

Le parent ainsi disponible rend son enfant disponible. 


Je me rappelle bien de cette toupie bleue et jaune avec un lanceur mĂ©ga rapide. J’avais couru Ă  ma pause dĂ©jeuner pour la trouver. Je n’avais pas mangĂ© mais le jour oĂč j’ai retrouvĂ© Louis pour lui offrir, son sourire m’avait nourrie.
😊

âžĄïž Article « Comment le cerveau grandit avec l’ñge » Par Anne LefĂšvre-Balleydier 

 

 

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Muriel Mairet (Psychopraticienne en Analyse Transactionnelle à Paris) pour Noö Family.

 

 

 

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